1. Préparer une postproduction
La préparation c’est 80% du travail, les 20% qui restent sont juste du plaisir.
Dans ce premier article, nous présentons divers principes qui permettent de travailler de façon sereine, fiable et portable quelles que soient les applications ou le système d’exploitation utilisé.
Les règles d’or de la postproduction
On utilise le bon formatage
Si vous utilisez des média amovibles pour passer d’un système d’exploitation à un autre, assurez vous d’utiliser un formatage adapté. En postpoduction la règle est de formater en exFAT, qui a l’avantage d’être accessible en lecture et écriture avec Windows, Mac OS et Linux.
On connaît le projet et les rushes
On appelle rushes les éléments vidéo ou les suites d’images, qu’ils soient issus d’une caméra, d’un enregistrement d’écran ou d’une animation.
Connaître les éléments qu’on va utiliser, c’est la base. Pour monter on doit aussi connaître le sujet de la vidéo.
Posséder le propos, le ton, le rythme, la cible est primordial, surtout dans le cadre d’une émission régulière.
On dérush toujours avant de travailler.
Le dérushage est l’opération qui consiste à visionner tous les rushes pour les mémoriser.
Un bon monteur est dépendant de sa connaissance des rushes dont il dispose. C’est ce savoir associé aux intentions narratives qui vont permettre de construire la structure d’une production.
La première étape de montage est nommée « bout-à-bout » (BaB) ou « Ours » (montage mal léché). Le montage est une opération de réécriture permanente. On part de l’ours que l’on affine jusqu’à la dernière version, la seule qui compte, la seule que le public verra.
On garde tout
En montage, on garde tout, les bonnes comme les mauvaises prises.
Une prise jugée mauvaise peut tout à fait servir à un usage imprévu, comme devenir un B-Roll et faire passer un raccord, illustrer un élément sonore etc. Les mauvaises prises font régulièrement d’excellentes rustines.
On ne renomme jamais les originaux
Si vous travaillez avec des rushes issus d’une source comme une caméra, d’un logiciel d’animation etc, la nomenclature utilisée n’est pas anodine. Les caméras modernes utilisent des formats de fichiers de plus en plus riches parfois accompagnés de fichiers side-car qui sont du code xml. Ces fichiers complémentaires contiennent des métadonnées souvent indispensables qui pointent vers les noms originaux générés par la caméra au tournage. En renommant les rushes vous brisez les liens et ruinez la bonne continuité de la production.
Renommer les rushes originaux est une des pires choses que vous puissiez faire.
Jamais de caractères spéciaux ou accentués.
- Pas d’espace.
- On se limite aux caractères _ – . (underscore, moins, point)
Les logiciels de montage reposent sur des normes d’encodage. Or les encodages des caractères varient suivant les langues, les claviers, les systèmes d’exploitation.
Pour garantir la bonne portabilité de vos projets, n’utilisez jamais des caractères spéciaux ni d’espaces dans vos structures de dossiers ou de fichiers.
Nombre de logiciels sont tatillons sur les encodages, ce qui peut rendre un fichier invisible ou ingérable alors que le format est reconnu et exploitable.
Seuls les caractères underscore, moins et point sont portables vers d’autres applications.
Quoi qu’il advienne, n’utilisez jamais des caractères joker du type /, \, *, # ou tout autre caractère d’échappement pour nommer vos fichiers, y compris au sein de votre application. Restez simple, faites usage du CamelCase, snake_case, ou autre pour éviter les espaces.
On peut enrichir la structure, on ne la brise jamais
Une fois la structure de votre projet posée, ne la changez pas !
Ne renommez pas vos plans ou dossiers, ne changez pas les chemins.
Sinon, votre logiciel ne pourra pas relier les données.
Par contre vous pouvez ajouter des dossiers ou des fichiers dans votre structure à la condition de respecter la règle suivante.
On reste organisé
Peu importe que vous soyez pressé ou impatient.
Le respect de l’organisation de votre choix vous fera gagner du temps.
Ne pas respecter la structure revient à perdre du temps.
On sépare la technique de la création
La qualité d’une production repose sur la concentration éditoriale et artistique.
La technique est au service de la création, jamais l’inverse.
La démarche créative ne doit jamais être entravée par la technique.
Donc débarrassez vous de tout ce qui est technique avant de vous concentrer sur l’artistique pour ne jamais être interrompu.
On travaille avec une compression Intra uniquement
Quelle que soit la nature de la compression de vos rushes, il faudra probablement les adapter.
En utilisant des codecs que l’on retrouve dans les équipements grand public il y a de fortes chances que vous utilisiez une compression inter images. Or la compression Inter est un réel soucis en postproduction. On n’utilise jamais de compression Inter en postproduction. Seule la compression Intra image est autorisée.
(je préparerai un article accessible et plus détaillé sur ce sujet)
Donc si vos rushes sont en compression Interimages, que faire ?
C’est simple, vous transcodez dans un codec dédié comme par exemple les codecs Avid DnX ou Apple Pro Res.
Sachez qu’il existe des outils dédiés et presque transparents dans Resolve et que je prépare un article dédié sur le sujet.
En attendant, faites appel aux fonctions de génération de média optimisé et/ou génération de proxy.
On utilise toujours des rushes avec timecode
Sauf dans le cas d’images seules (illustration, photo) n’utilisez jamais de vidéo dépourvue d’un timecode.
Le timecode est obligatoire.
N’hésitez pas à transcoder votre vidéo pour obtenir une nouvelle version avec timecode qui de fait sera considérée comme votre rush original.
Il existe certains utilitaires qui permettent de multiplexer un timecode (injecter un timecode) mais c’est souvent limité à certains containers et codecs.
Appliquez les LUTs en montage
On ne monte jamais en Log.
Utilisez les fonctions de gestion de la colorimétrie (YRGB color managed) ou utilisez les bonnes LUTs de visionnage (YRGB).
On ne travaille jamais sur clef usb
Les clef USB ne sont pas conçues pour ça. Ce ne sont pas des supports fiables. C’est lent et fragile. Évitez les cartes SD.
Cette pratique est à fuir comme la peste.
Favorisez les SSD.
On transcode avant de monter
cf. la règle de la compression Intra.
cf. On se débarrasse de la technique avant de se concentrer sur la création.
Pas de format, résolution ou fréquence exotique
Choisissez votre format, résolution et fréquence image parmi les propositions normées.
N’inventez pas de format, résolution ou fréquence selon ce qui accommode vos errances au tournage ou votre manque de maîtrise.
Les normes ont été établies par de grands professionnels et existent pour garantir la bonne diffusion des œuvres.
Respectez les.
Audio en 24 bits et en 48khz
- C’est la norme audiovisuelle.
- Pas de 16 bits et autres échantillonnages à 44,100 hz qui relèvent de l’audio musicale.
- Preférez le PCM Linéaire et les sources en BWAV.
- Normalisez à -14 LUFS pour Youtube. (cf ITU 1770)
- Fuyez le mp3 et autres compressions affreuses.
Les effets se travaillent toujours dans un workflow linéaire
Je prépare un article sur le sujet. C’est important et implique divers prérequis techniques.
Pour le moment, retenez l’idée que linéaire signifie linéaire par rapport à la lumière.
Dit de façon simpliste :
- Arrêtez avec le 8 bits, basculez en 16 bits flottant (parfois nommé 16 1/2)
- En compositing on travaille sur des suites d’images, jamais sur un flux vidéo. Favorisez une conversion en Open EXR ou en DPX
- Les effets sont calculés en LIN, soit gamma 1
Ne paniquez pas si vous utilisez Fusion dans Resolve, le logiciel s’en occupe (presque) automatiquement.
Pas d’étalonnage si on ne dispose pas d’une chaîne calibrée
Avant d’effectuer des modifications colorimétriques, assurez vous de disposer d’une chaîne vidéo correcte.
Favorisez des moniteurs avec un faible DeltaE (inférieur à 2 et au plus proche de 1)
Si vous étalonnez régulièrement, investissez dans un moniteur et une sonde.
A moins que vous ne disposiez d’un moniteur Wide Gamut, suivant votre diffusion et en attendant le REC 2020, étalonnez en REC 709.
Pas de valeurs illégales. On vérifie avec les instruments.
Tout au long du procédé de fabrication et surtout de correction colorimétrique, vérifiez la validité de votre signal vidéo. Il est impératif que les valeurs normées soient respectées sur le Master de diffusion.
Vérifiez le signal à l’aide des instruments que sont :
- L’oscilloscope (Waveform) pour la luminance
- Le vecteurscope (Vectorscope) pour la teinte et la saturation
- Respectez les normes limites et/ou faites usage des limiteurs de diffusion (Broadcast) qui existent sous forme de plugin déjà présents dans Resolve
On vérifie toujours en détails le Master avant livraison
Le Master de diffusion est le résultat de votre travail. C’est ce que le public verra.
C’est le plus important !
Ne vous contentez pas d’une simple pression sur le bouton EXPORT. Soyez méticuleux et vérifiez les moindres détails.
Visionnez et pistez les défauts, retracez les erreurs et corrigez les, puis revisionnez.
Il ne doit subsister aucun défaut.
Connaissez vos normes de diffusion
Ne vous contentez pas de balancer votre production sur une plateforme.
Renseignez vous sur les normes et construisez votre projet en fonction des contraintes.
Si vous n’étudiez pas les normes, ne vous plaignez pas d’obtenir un rejet ou pire une horreur audiovisuelle une fois que le moteur d’ingest du diffuseur aura transcodé votre production.
Préférez systématiquement le CBR (Constant Bitrate).
Cette courte liste peu détaillée n’est qu’un modeste guide de survie du vidéaste et créateur de contenu.
Avec le temps, nous verrons les différents points plus en détails.
Petit à petit, une fois les bases universelles posées, nous pourrons nous concentrer plus sur les solutions offertes par Linux.